Je n’aime pas qu’ on aborde la sortie d’un seul désherbant , beaucoup de marchands et certains agriculteurs rêve d’un désherbant de remplacement, alors qu’il faut chercher des solutions agronomiques globales . Je vous propose cet article sur Fondation pour la Nature et l’Homme . Fabrice
La question de la sortie du glyphosate n’est pas une problématique qui concerne les seuls agriculteur·rice·s, c’est une question adressée à l’ensemble de la société puisqu’il s’agit de savoir comment protéger l’environnement et la santé publique. Il ne s’agit pas non plus de chercher une nouvelle molécule miracle susceptible de se substituer parfaitement au glyphosate (efficacité, coût, impact sur la santé et l’environnement). Il s’agit plutôt d’adopter un ensemble de techniques constituant autant de leviers pour se passer du glyphosate et, d’une façon plus générale, de revoir toute la question de la protection des cultures. Cette approche globale impose de repenser l’ensemble de notre modèle de production, comme le font par exemple chaque année les nombreu·ses·x agriculteur·rice·s qui « sortent du chimique » pour s’investir dans l’agriculture biologique. Elle doit donc être traitée avec les moyens techniques et économiques que cela suppose en matière d’accompagnement des principales personnes qui l’utilisent, à savoir les agriculteurs et agricultrices.
Des alternatives à l’usage du glyphosate existent pour l’essentiel de la surface agricole française
De nombreux rapports2 ont permis d’analyser les usages actuels du glyphosate, désherbant le plus utilisé en France, et d’identifier ses alternatives possibles, mais aussi les freins et leviers à la réduction voire à l’arrêt total de l’utilisation du glyphosate. Tout récemment, un centre de ressources numérique co-piloté par l’INRA3 a mis à disposition des producteur·rices et de leurs conseiller·e·s une base de données très précise des alternatives à l’usage de l’herbicide pour six filières4.
Si le suivi des quantités vendues5 ne permet pas d’apprécier dans le détail la consommation du glyphosate, les usages principaux de celui-ci en France sont par contre connus : préparation du sol avant le semis, maîtrise des couverts végétaux, contrôle des mauvaises herbes dans les rangs de vigne ou de fruitiers, nettoyage des abords de parcelles, etc. L’analyse des pratiques agricoles actuelles montre que plusieurs options mécaniques et agronomiques seules ou combinées permettent d’ores et déjà de se passer du glyphosate pour 90% de la surface agricole utile. En voici certains exemples :
- La destruction physique des mauvaises herbes, à l’aide de bineuses mécaniques ou des nombreux outils de travail superficiel du sol sans retournement de la terre constitue la meilleure réponse car elle est la plus efficace.
- Le travail du sol par labour est historiquement le moyen privilégié de désherbage, puisqu’il permet d’enfouir avant le semis toute graine et végétation présente.
- Certaines pratiques agronomiques bien connues telles que l’allongement des rotations de cultures, la diversification des successions de cultures avec alternance de plantes de familles différentes, la mise en place de cultures intermédiaires entre les cultures principales ou encore la mise en place d’associations de cultures qui permettent d’étouffer les plantes « non désirées ».
- La mise en place de bâches tissées au sol lors de la création de vergers ou vignobles.
- Le recours ciblé à des solutions de biocontrôle6 qui sont un ensemble de méthodes de protection des végétaux basé sur l’utilisation de mécanismes naturels.
Des techniques alternatives qui imposent un changement des systèmes de production à accompagner
La mise en œuvre par les agriculteur·rice·s de ces techniques est freinée par l’augmentation du temps de travail et la perturbation des chantiers de travaux qu’elles provoquent, ce qui se traduit in fine par une augmentation des coûts de production. Comme le note l’INRA, le renoncement au glyphosate « passe et passera par des changements profonds » qui conduiront à modifier en profondeur les systèmes de production et l’organisation économique des exploitations. Les exploitant·e·s agricoles seront amené·e·s à mettre en œuvre des systèmes plus complexes et à renoncer à la relative simplification permise par le glyphosate. La réponse passe par l’évolution du parc matériel et de l’organisation des calendriers de travaux, ou par la diversification des cultures pour échelonner les chantiers de semis. Cela implique de nouveaux besoins d’investissements et une prise de risque, qui doivent être massivement accompagnés par un suivi des pouvoirs publics et une juste rémunération des producteur·rice·s.
Un besoin de rassembler les forces autour de la recherche de solutions alternatives pour les quelques cas qui n’en ont pas
Une minorité d’agriculteur·rice·s (travaillant 10% de la surface agricole utile) demeure sans alternatives opérationnelles. Les impasses identifiées ne peuvent être négligées. Elles renvoient en effet à des situations délicates et sensibles sur le plan social et/ou environnemental. Les producteur·rice·s concerné·e·s sont par exemple des agriculteur·rice·s confronté·e·s à un environnement physique défavorisé (agriculture de montagne ou de piémont où les travaux mécaniques sont difficiles, par exemple), des agriculteur·rice·s innovant·e·s qui ont progressivement mis au point une agriculture alternative prometteuse, l’agriculture de conservation des sols (où par définition le labour est proscrit) ou qui ont fait l’effort de diversifier leur système de production en valorisant des savoir-faire traditionnels pointus (lin, noisette…).
Pour ces personnes-là, l’interdiction du glyphosate risque d’être vécue comme une remise en cause directe de leur activité. Faut-il pour autant envisager des dérogations ? Cela ne paraît pas souhaitable, d’autant que l’on note l’utilisation médiatique faite de ces cas exceptionnels pour bloquer toute évolution de la réglementation concernant le plus grand nombre ! En revanche, la recherche de solutions à ces situations difficiles doit être entreprise dès aujourd’hui afin d’assurer une sortie du glyphosate en novembre 2020, comme promis par Emmanuel Macron.
La reconnaissance des solutions alternatives au glyphosate comme enjeu politique
L’enjeu de sortie du glyphosate est avant tout politique. Car si les pouvoirs publics décident d’apporter un soutien économique fort aux agriculteur·rice·s dans cette période de transition, alors la question de l’éventuelle perte de viabilité économique perdra de son acuité. Les mesures d’accompagnement techniques – que l’on retrouve en partie dans le plan de sortie du gouvernement – ne sont pas suffisantes. Il faut prévoir des mesures et mécanismes économiques pour éviter la fragilisation financière des exploitations concernées les plus sensibles (soutien à l’investissement par exemple6, rémunération plus juste). La sortie de l’agriculture française du glyphosate est une question de société. Il est donc normal que la collectivité nationale ne laisse pas les agriculteurs et agricultrices seul·e·s face à cette question.
• Co-écrit avec José Tissier,
expert associé de la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme